Pouvez-vous présenter votre groupement et votre ferme ?

Depuis 2010 et sa création, le Groupement Agricole d’Exploitation en Commun de Salelles a beaucoup évolué. Aujourd’hui et depuis 2016, nous sommes trois associé-e-s, un apprenti et un salarié à temps partiel à travailler en agriculture biologique les 90ha de cultures/prairies et 70ha de forêts de la ferme. Il y a deux ateliers de production : un atelier « historique » d’élevage ovin lait qui produit du lait pour le Roquefort Papillon Bio et génère environ trois revenus, et un atelier « paysan boulanger » créé en 2016 qui génère un revenu en produisant deux fois par semaine, du pain au levain bio, vendu en circuits courts.

Quelles sont vos motivations à vous engager dans le LIFE Biodiv’Paysanne ?

Au cours des dernières décennies, l’accumulation des rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (IPCC/GIEC) et de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) n’ont cessé d’apporter les preuves de l’impact négatif des activités humaines, dont l’agriculture, sur le climat et la biodiversité. A l’échelle de notre ferme, la multiplication des vagues de chaleurs estivales que nous avons subi ces dernières années a affecté significativement notre mode de production pourtant en agriculture biologique et bien en place depuis plus de 20 ans. La production herbagère qui nous permet de nourrir notre troupeau de brebis est en diminution constante, ce qui affecte notre autonomie et remet en question l’équilibre de la ferme.

Que ce soit de manière globale ou seulement à l’échelle de notre ferme, nous savons que le temps nous est compté avant que la situation ne devienne irréversible et que chaque degré de gagné en moins sur l’augmentation inéluctable des températures fera une différence notable en termes de qualité de vie sur notre planète/ferme. La transformation agroécologique de nos modes de production et de notre ferme nous apparait nécessaire et urgente. Nous sommes donc contraints et forcés de modifier notre système d’exploitation pour à la fois nous adapter au changement climatique tout en stoppant d’y contribuer, voir même tenter d’inverser la tendance. Si les actions locales sont laborieuses et n’ont que très peu d’effet sur le changement climatique global, nous savons que ces actions même locales peuvent avoir des effets rapides et significatifs sur la biodiversité. Les services écosystémiques ainsi rendus amélioreront notre adaptabilité et notre résilience. Dans ce contexte, prendre part à un projet comme le LIFE Biodiv’Paysanne n’est que bon sens !

Il est difficile de savoir que nous devons faire : évoluer nos pratiques mais ne pas trouver les moyens, les solutions, les pistes à explorer, les adaptations concrètes à tester ou à mettre en place sur notre ferme. Tout cela prend du temps et nous en avons peu car notre charge de travail « de base » est importante, et que nous avons peu de temps disponible pour penser sereinement, partager des expériences avec d’autres, nous former à de nouvelles pratiques, essayer d’autres techniques agronomiques sur des cultures annuelles… et pourtant il est impératif et urgent de le faire ! Donc pour nous, nous engager dans le projet LIFE Biodiv’Paysanne, cela signifie un peu « passer à l’action » et cela nous permet de nous sentir moins impuissants face au changement climatique, que nous ressentons au jour le jour de manière très concrète et violente du fait de notre métier de paysan et de notre proximité avec la nature.

Qu’est-ce que vous espérez trouver dans le projet et ce que cela pourra vous apporter ?

Comme mentionné plus haut, le temps nous est compté avant que la situation ne devienne encore plus critique et irréversible. Pragmatisme et efficacité nous semblent donc indispensables pour espérer parvenir à un résultat et garder espoir. En ce sens, le projet LIFE Biodiv’Paysanne et l’expertise des parties prenantes que sont le CEN Occitanie, Solagro et Terre de Liens, ainsi que tous les bénéficiaires associés, nous paraissent les mieux à même de nous offrir un cadre scientifique robuste afin de co-construire ensemble les outils et les actions les plus pertinentes pour améliorer la biodiversité sur notre ferme. Accompagnés par ces organismes et avec un budget important accordé par la Commission européenne et les cofinanceurs, nous nous sentons en confiance et plus sereins pour faire évoluer notre ferme un peu plus sur la voie de l’agroécologie, pour la rendre plus résiliente, viable et vivable pour les paysans et paysannes qui y travailleront après nous. Etant une ferme Terre de Liens, nous portons aussi cette responsabilité.